El Preso de Fruko Y Sus Tesos

Un morceau à la loupe

El Preso” le morceau de Fruko Y Sus Tesos, est décortiqué ici par Joachim “jsalsero” Satet.
Ancien musicien et chanteur de salsa, en particulier au sein de l’orchestre « La Contrabanda« , Joachim co-dirige l’école Callesol. Il intervient régulièrement pour des stages et cours autour de la musicalité, et en tant que DJ.

Avec sa thématique carcérale (le condamné à perpétuité qui attend le jour de sa mort pour sortir enfin de prison), ses changements rythmiques (passages mozambique ou cumbia), les tensions entre passages joués en avant ou en arrière du temps (voir explication ci-après, dans la 2e partie), sa construction peu orthodoxe mais très structurée, sa quasi absence de breaks qui le rendent très fluide dans son déroulement, ses phrases de cuivres très mnémoniques, réparties de façon très tranchée entre trompettes et trombones, ce titre est finalement d’une conception simple, assez dépouillée.

1ère partie : introduction (16 mesures)

  • 0’00 » piano et basse commencent seuls, jouant ensemble le motif de basse qui servira pour tout le début du morceau (8 mesures)

Rien qu’avec cette introduction, on peut déjà faire plusieurs remarques :

  • rythmiquement, le motif joué ici est quasiment, à une note près, celui de la clave 2-3,
  • le dernier coup de la clave (4ème temps de la seconde mesure de la clave) est ici particulièrement mis en valeur, il servira d’accent, de point d’appui rythmiquement pendant tout le morceau.
  • 0’10 » entrée des percussions (timbales, congas, bongo et maracas), précédée par un abanico (court roulement de timbales) (8 mesures)

2e partie : thème
(144 mesures, composées de deux « blocs » identiques de 72 mesures)

  • 0’19 » entrée des cuivres (trompettes), jouant une phrase (A) de 8 mesures, répétée deux fois ; en fait, il s’agit d’une phrase de 4 mesure, rejouée une seconde fois avec une variation, le tout répété une seconde fois ; à partir de là, le piano et la basse jouent des phrases différentes : la basse continue ce qu’elle jouait, le piano change, les deux se retrouvent sur le fameux 4e temps toutes les 2 mesures (16 mesures)
  • 0’37 » seconde phrase (B) de cuivres (avec les trombones), jouant une phrase de 4 mesures, répétée avec une variation ; les percussions jouent en « montuno », c’est-à-dire sur les cloches (8 mesures)

Cette seconde phrase est jouée avec une intention différente du reste. Le début est joué très « derrière » le temps, celle-ci plutôt « en avant ». C’est un peu comme si deux personnes allaient au même pas, mais l’une de manière nonchalante, l’autre de manière nerveuse. Le temps reste le même. L’effet de tension produit lorsqu’on passe de l’un à l’autre est très utilisé par les musiciens colombiens.

  • 0’46 » 1er « couplet » ; les percussions « redescendent » (16 mesures)
  • 1’04 » 1er « refrain » ( ay ay ay) ; les percussions « remontent » sur les cloches (16 mesures)
  • 1’23 » phrases de trombone (C) ; les percus « descendent » (16 mesures)

Le tout se répète une seconde fois, à l’identique :

  • 1’41 » phrases de trompettes, même chose que A dans l’intro (16 mesures)
  • 1’59 » phrases des cuivres (trompettes et trombones), idem que B dans l’intro ; les percus « montent » (8 mesures)
  • 2’08 » 2e « couplet » ; les percus « descendent » (16 mesures)
  • 2’27 » 2e « refrain » (16 mesures)
  • 2’45 » phrases de trombone, idem que C après le 1er refrain (16 mesures)

3e partie : mambo (24 mesures)

  • 3’03 » la section rythmique change de rythme : la cloche joue un rythme très proche du mozambique, doublée par le piano, tandis que la basse, qui n’avait pas varié d’une note depuis le début du morceau, passe à un tumbao classique (8 mesures)
  •  3’12 » entrée des trompettes (phrase D) sur cette base rythmique (8 mesures)
  • 3’20 » les trompettes laissent la place aux trombones (phrase E), tandis que la section rythmique revient à un rythme de salsa (8 mesure)

4e partie : montuno (33 mesures)

  • 3’30 » chœur (« Ay que solo estoy, solo me espera la muerto, ay que solo estoy, cuando cambiara mi suerte ») (8 mesures)
  • 3’38 » chant lead (8 mesures)
  • 3’47 » chœur de nouveau (le même) (8 mesures)
  • 3’56 » chant lead (7 mesures)
  • 4’04 » break (2 mesures)

Le break qui vient interrompre le cycle (7 mesures de chant lead au lieu des 8 attendues) permet d’inverser le cycle de clave. On était en 2-3 depuis le début du morceau, après le break, on redémarre en clave 3-2.

5e partie : « cumbia » (15 mesures)

  • 4’06 » on change à nouveau de rythme, avec une sorte de cumbia (pas complètement, car toutes les percussions ne jouent pas véritablement ce rythme) ; 2e chœur (« Solo con mi pena, solo en mi condena ») (15 mesures)

Cette partie, à nouveau sur un nombre de mesures impair, permet de repasser en clave 2-3 sur la partie suivante.

6e partie : mambo – coda (25 mesures)

Cette partie reprend exactement le mambo de la partie 3, à laquelle est simplement ajoutée une mesure de break qui sert à terminer le morceau.

  • 4’22 » rythme de mozambique (8 mesures)
  • 4’31 » phrase de trompette D (8 mesures)
  • 4’40 » phrase de trombone C ; rythme de salsa (8 mesures)
  • 4’49 » break de fin

Remarque sur la structure de « El Preso » de Fruko Y Sus Tesos :

On serait tenté de considérer que l’introduction de ce morceau va jusqu’au début du chant. J’ai préféré la limiter aux 16 premières mesures, car les phrases de cuivres qui précèdent le chant sont ensuite réutilisées dans le morceau une seconde fois. Il ne serait pas logique de considérer que la même phrase fait, la première fois, partie de l’intro, et qu’elle appartient ensuite au thème. Je considère donc que le thème (la 2e partie), est constitué d’un « bloc » répété deux fois, incluant phrases de cuivres et chant lead.

Vous pouvez retrouver les paroles d’El Preso et leur traduction ici.

Article de Joachim « jsalsero ».

En complément, retrouve l’article de Joachim “jsalsero” et Nadège sur la structure des morceaux salsa.
Tu peux aussi découvrir le morceau « Acid » de Ray Barretto, analysé également par Joachim “jsalsero”.

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